Depuis les annonces de coupes drastiques dans les formations, qui font suite à d'autres coupes depuis tant d'années, une attitude possible pour chacun est de montrer l'importance de sa formation, de son laboratoire, de sa recherche. C'est une attitude légitime et il n'est pas question de la condamner. Cependant, elle nous a déjà conduit et nous conduira encore à nous diviser. Le ras-le-bol est maintenant général, et chacun peut constater où les efforts et les sacrifices consentis ces dernières années nous ont menés: nous battre pour des miettes qui manquent à d'autres, que les critères de répartition des miettes s'appellent "excellence" ou "débouchés".

On aurait tort de croire qu'il s'agit d'un dernier effort avant que le ciel s'éclaircisse, d'un cap à passer pour rester dans les derniers survivants. Nous n'avons de cesse de le répéter: soumettre les services publics, dont l'enseignement supérieur et la recherche, à des impératifs de rentabilité et de «soutenabilité financière» est un objectif non seulement inatteignable, à moins de le rendre purement marchand (et encore...), mais un contresens total puisque le service public est un bien commun dans lequel s'exprime la solidarité nationale.

Aussi, nous lançons un appel à l'unité non pas face aux arbitrages petits et dérisoires, mais contre l'idée même de la nécessité des économies effectuées contre les étudiants avec parfois même un cynique habillage pédagogique, contre ce carcan de la pensée qui nous empêche de voir qu'on nous prive petit à petit du bien commun que constitue le service public d'enseignement supérieur et de recherche.

Il nous faut reconnaître aussi que nous avons tous peur: peur du déclassement quand nous ne sommes plus entourés que de concurrents, peur de ne pas choisir la bonne formation pour avoir un emploi, peur de perdre son emploi parce que le labo n'a plus de crédits, peur de ne plus pouvoir suivre ses rêves et ses envies parce qu'ils ne sont pas «bankables».

Ces peurs nous entraveront tant que nous ne lutterons pas ensemble, seul moyen d'«en finir avec la peur».

Et c'est notre dignité même que nous abandonnons lorsque nous nous abaissons à jouer les uns contre les autres. Visons plus haut ! Il n'est plus temps de jouer au plus martyr ou au plus excellent. C'est de sauver l'université dont il est question. Et il n'y a qu'ensemble que nous le ferons.

Alors que faire ? Plutôt que chacun construise sa propre barricade pour protéger sa formation, son labo ou sa recherche face aux assauts d'une «gouvernance» couchée devant les injonctions austéritaires, nous devons lutter ensemble. Nous devons rassembler nos barricades pour n'en faire plus qu'une seule, pour défendre notre université face au libéralisme destructeur, dans un mouvement de résistance que la «gouvernance» actuelle se refuse à mener.

Cher.e.s collègues, cher.e.s étudiant.e.s, déplaçons les barricades pour ouvrir un front de résistance unie face à la politique du gouvernement et de ses alliés !