Le Conseil d'Administration du 7 septembre fut encore l'occasion de mesurer, de la part de la direction de l'Université, son entêtement idéologique se parant de rationalité économique, consistant à imposer toujours plus de mesures austéritaires sous prétexte qu'il n'y aurait pas d'alternative, alors que l'Etat dépense des milliards, sans aucun contrôle, pour le Crédit Impôt Recherche.

L'ordre du jour1 comportait une discussion sur les orientations budgétaires et la campagne d'emplois alors même que les UFR sont invitées à réduire les volumes de leurs formations dans des proportions qualifiées en séance d'homéopathiques mais qui relèvent davantage du remède de cheval (par exemple suppression de 35.000 heures sur trois semestres alors que les formations représentaient 450.000 heures).

A l'appel des historien.ne.s, de l'UNEF et du SNESUP-FSU, personnels et étudiant.e.s se sont rassemblé.e.s devant le CA pour protester contre ces orientations annoncées. France 3 est présente pour un reportage accessible ici. Une délégation est reçue, comportant personnels et étudiant.e.s.

C'est l'occasion d'un débat surréaliste à propos de la situation en lettres classiques, en L1, où les étudiant.e.s ont fait leur rentrée et où «on» apprend le soir même que la L1 de lettres classiques n’ouvrira pas. La direction s'emploie alors à nier la demande de fermeture. Alain Bonnin dit qu’il n’est pas question de fermeture à ce moment de la rentrée. Au cours de la discussion, G. Wegmann2 affirme que ce n'est pas trahir les vœux des étudiant.e.s en les inscrivant en lettres modernes à la place des lettres classiques puisque cette distinction n'existe pas dans APB. Chacun appréciera.

Les membres de la délégation rappellent les sacrifices qui ont déjà été consentis, qu'il n'est pas possible de rogner encore sur les offres de formations et déclarent que les conditions de cette rentrée sont choquantes. Le représentant du SNESUP-FSU de la délégation rappelle que le courage n'est pas dans l'application d'une politique d'austérité. Au contraire, il consisterait à refuser de voter le budget pour indiquer qu'il n'est plus possible pour l'Université de fonctionner dans les conditions imposées par le gouvernement. En guise de réponse, A. Bonnin indique qu'il s'apprête pour la première fois à voter un budget en déficit (mais pas forcément, voir plus loin).

Au moment de quitter le conseil d'administration, la délégation des personnels et étudiant.e.s se voit remerciée par le président pour leur témoignage «touchant» ! Là encore, chacun appréciera.

Après le départ de la délégation, le Conseil d'Administration entame l'ordre du jour par une présentation de scénarios destinés à faire toujours plus d'économies, façon quadrature du cercle. On apprendra qu'il y a, depuis 2012, 2.255 étudiants supplémentaires et on entendra dire que malheureusement beaucoup sont boursiers, ce qui pose problème avec la stagnation de la dotation et du fait que l'Etat ne compense pas entièrement les bourses. Encore un peu et les étudiant.e.s les plus modestes se verraient accusé.e.s de plomber le budget... On entendra aussi dire qu'il n'y a pas eu de dérapage sur la masse salariale; une façon de de féliciter du plan social lancé en fin d'année dernière?

Un autre scénario est ensuite exposé, dans lequel la direction fait le pari d'une rallonge budgétaire accordée par le gouvernement, pour faire face en partie à l'augmentation du nombre d'étudiants, qui serait alors répartie sur toutes les lignes budgétaires sauf... la ligne offre de formation ! Interpellé à ce sujet, le président Bonnin refuse d'abord de répondre avant d'arguer qu'il est vital de réinjecter des fonds sur les autres lignes budgétaires (services, laboratoires, patrimoine, ...). Il lui est répondu que c'est aussi vital pour les formations mais le président change de sujet. Un ultime scénario est exposé, comportant un déséquilibre de -2.112.628 euros, dont la direction dit qu'il pourrait être acceptable à condition que la partie disponible du fond de roulement puisse être autorisée par le rectorat et que l’on trouve 1,5 million. Autrement dit: Continuons de courir, le précipice est devant nous !

A. Bonnin indique que la seule marge de manœuvre à ses yeux est de réduire les 80.000 heures complémentaires. Une petite discussion s’engage sur la recherche d’autres modes de financement, sur l’absence de volonté politique et de réflexion sur le long terme. Pendant cette discussion, le vice-président du CA nous gratifie de sa vision d'une fonction publique qui ne se développera plus et d'un rapprochement inévitable avec les entreprises, une évidence selon lui. Il reprend ainsi les propos du président Bonnin qui déclarait récemment3 qu'il «pense que le modèle des universités françaises en termes de ressources atteint ses limites». C'est la nouvelle idée à la mode: c'est le modèle du service public lui-même qui serait à bout et il faudrait donc le remplacer par un système purement marchand. C'est au contraire la destruction du service public qui est organisée par les gouvernements successifs, par une asphyxie budgétaire et avec la complicité de telles équipes de «gouvenance».

Le conseil se poursuit par un exposé de G. Wegmann sur la «soutenabilité» de l’offre de formation. Il y aurait 35.000 heures d’économies à faire sur les 3 prochains semestres, donc en «appliquant la règle des tiers», 23.000 sur cette année universitaire. Il lui est fait remarquer que, puisqu’il apparaît que la direction veut fermer des formations en 2017, il n'est pas judicieux de penser que la restriction sera seulement d'un tiers sur le premier semestre de la prochaine année universitaire. En clair, cela ferait plus que 35.000 heures de supprimées en trois semestres. Machine arrière pour G. Wegmann qui répond qu'il ne s'agit que d'une hypothèse de travail.

De longs échanges ont lieu sur l'absence de feuille de route claire, l'absence de propositions, le calendrier déraisonnable, ... Les propositions de la direction pour combler le problème: suppression de semaines de cours, réductions d'horaires proportionnelles (un quart d'heure pour deux heures de CM ou TD), réorganisation des TD (25 % de l'enseignement en non présentiel, travail en autonomie des étudiants), le tout pour cette année universitaire alors que les étudiants sont déjà inscrits et se sont acquittés de leurs frais d'inscription.

Il est fait remarquer que si l'Université ne respecte pas les fiches filières pour lesquelles les étudiants ont payé, elle s'expose à des plaintes au tribunal administratif. Ce à quoi la direction répond que c'est à «chacun sa responsabilité».

Après ces longs échanges, la direction met un terme à la discussion en disant qu'il n'est pas question de rentrer dans les détails mais de déterminer «quel est le niveau de déficit budgétaire acceptable». Voilà la vraie, la seule question qui compte pour la direction.

Nous sommes donc bien en présence d'une «gouvernance» accompagnant docilement la destruction de l'Université en n'opposant aucune résistance aux politiques d'austérité du gouvernement.

Dans un accès de doute, le vice-président aux finances finit par s'interroger sur le fait que la formation n'est peut-être pas la bonne voie pour faire des économies.

Mais le doute n'ira pas jusqu'à prendre conscience que c'est l'obligation même de faire des économies qui est à remettre en cause. En attendant, la destruction de l'Université de service public continue.


1 Signalons au passage que la direction n'a pas jugé opportun de communiquer avant sa tenue aux membres du CA les documents relatifs à cet ordre du jour...
2 Grégory Wegmann: Vice-président délégué en charge du suivi de l’offre de formation et du pilotage.
3 Interview d'A. Bonnin publiée dans News Tank Education le 7 jun 2016.