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La loi ORE et la plateforme Parcoursup qui l'accompagne ont été mises en place en quelques mois, avant même que le Parlement se soit prononcé sur la réforme. Prétextant l'urgence à traiter le problème du tirage au sort d'une part, et celui du taux d'échec en licence d'autre part, l'Etat a choisi de passer en force, allant jusqu'à envoyer les CRS sur les campus mobilisés contre cette réforme. Rappelons que le tirage au sort n'a recalé que 2465 candidat.e.s au niveau national en 2017 (soit 0.45 % des admis.e.s), et qu'il aurait été beaucoup plus simple de traiter le problème en créant quelques places supplémentaires dans les filières dites "en tension". Rappelons également que le "taux d'échec" en licence est un indicateur qui amalgame des situations très hétérogènes (redoublement, réorientation, réussite à un concours hors université...), et que le système d'enseignement supérieur français est l'un des plus performants des pays de l'OCDE, avec un taux de diplomation supérieur à 80 %.
Pour autant, il ne faut pas nier les difficultés croissantes auxquelles les personnels doivent faire face dans les universités. Ces difficultés sont essentiellement le résultat du sous-financement chronique des établissements, de la précarité des personnels de toutes catégories (EC et BIATSS), et de la déstructuration des programmes scolaires au collège et au lycée. Alors que nous demandons depuis des années que l'Etat investisse dans l'enseignement supérieur à hauteur des besoins, le gouvernement a fait le choix d'adapter le nombre de places à l'Université aux budgets en stagnation. Sur la période 2009-2015, le nombre d'étudiants a augmenté de 280 000 alors que les effectifs de personnels titulaires reculaient (-7147). La fermeture annoncée des Centres d'Information et d'Orientation (CIO) à la rentrée prochaine va également contribuer à détériorer les conditions d'entrée dans l'enseignement supérieur, voire à détourner certains jeunes des études, sans propositions alternatives.
Malgré ce constat sans appel, un certain nombre de collègues soutiennent la réforme en espérant qu'elle apporte enfin des moyens pour travailler correctement. Voyons ce qu'il en est en Bourgogne, où plusieurs centaines de bacheliers supplémentaires sont attendus à la rentrée prochaine:
- 6 postes seraient « créés »; on rappelle que pour la campagne d’emplois 2018 à l'uB, sur 84 postes vacants pour les BIATSS, seulement 3 ont été mis au concours (71 pourvus en CDD) et sur 82 postes d’enseignants ou enseignants chercheurs vacants, seulement 9 ont été mis au concours (11 pourvus en CDD);
- une enveloppe d’heures complémentaires pour 2018 de 111 226 euros;
- une enveloppe de 95 499 euros pour 2018 pour l’examen des candidatures déposées sur Parcoursup (soit 3 euros par dossier) et 190 447 euros en 2019 ;
- une enveloppe de 35 000 euros pour l’investissement pédagogique en direction des candidat.e.s classé.e.s « oui si », soit moins de 1000 heures de vacation pour l'ensemble de l'uB.
Soit moins de 800 000 euros par an, alors que le budget de l'uB est de 220 millions d'euros. Ces moyens ne sont clairement pas à la hauteur du travail supplémentaire que va générer la réforme. De plus, nous n'avons aucune garantie quant à leur pérennisation dans les années à venir. Dans l'immédiat, il est évident que l'examen des dossiers des candidat.e.s s'effectue "à la hache", algorithmiquement. A moyen terme, la dégradation des conditions d'études et le caractère opaque des procédures d'admission excluront toujours plus les jeunes issu.e.s des milieux modestes. Enfin à plus long terme, la loi ORE prépare les prochaines étapes dans la destruction du service public de l'enseignement supérieur :
- l'augmentation des frais d'inscription, rendue "inévitable" par les coûts supplémentaires induits par la réforme actuelle;
- la baisse du volume horaire plancher en licence (le nouvel arrêté licence prévoit de passer de 1500 à 1300 heures) selon une logique purement comptable;
- la réforme du statut des enseignant-chercheurs afin d'introduire la modulation de service;
- toujours dans le but de faire des économies, la précarisation croissante de tous les personnels, qui sera rendue possible par la prochaine réforme de la fonction publique (CAP 22).
Nous faisons donc face à un ensemble de mesures néolibérales extrêmement brutales et cohérentes, mais il est encore temps de nous y opposer en faisant entendre une autre voix. Une Coordination Nationale des Universités (CNU) s’est réunie le 5 mai dernier à Paris, rassemblant des représentant.e.s de 38 universités. Elle a permis de faire le point sur les mobilisations en cours (certains établissements sont bloqués et des personnels sont en grève), et a conclu qu'il était impératif de demander l’abrogation de la loi ORE et l'instauration d'un plan d’urgence pour l’Université. Elle a également lancé des pistes d’actions concrètes pour peser et faire aboutir ces revendications.
Nous proposons donc de débattre des propositions de la CNU afin de déterminer collectivement ce qu’il est possible de faire, ici et ensemble, pour porter nos revendications et peser dans le mouvement en cours.