Contrairement au principe de « continuité du service public », dont elle semble abusivement découler, la notion de « continuité pédagogique » est problématique et relève plus en pratique d’une discontinuité voir d’une cascade d’interruptions pour celles et ceux qui n’ont pas accès aux réseaux. La continuité à tout prix se transforme en une véritable fracture pédagogique. Le Snesup-FSU a mis en ligne des fiches pratiques sur nos droits et nos obligations, ainsi que nos revendications sur cette page.

Contrairement à ce qu'il est indiqué dans plusieurs documents que nous avons reçus émanant de la direction, nous ne sommes pas en « télétravail », mais en « travail à distance », dont les contours juridiques sont beaucoup plus flous. La nuance est importante puisque le télétravail implique une convention entre l'employeur et l'agent. Le télétravail est très encadré, il est limité à 3 jours et fait l'objet d'un contrat. Par conséquent il ne s'applique pas à la situation de tous en ce moment. Les textes de référence sur le télétravail sont disponibles ici, ici ou encore ici.

Dès lors que les enseignants gardent le contact avec leurs étudiants et assurent une forme d'enseignement, comme ils l'entendent, selon les modalités qu'ils ont choisi d'appliquer, ils effectuent leurs services. L'administration ne peut pas en profiter pour s'insinuer dans les pratiques de chacun. La notion de « continuité » ne peut être interprétée qu'avec la plus grande souplesse.

Des collègues sont malades, d'autres gardent leurs enfants : ils ne peuvent pas travailler. Les collègues sont les experts de leur travail (enseignement et recherche) : c'est à eux de décider de ce qu'ils font pour maintenir le contact avec les étudiants et pour proposer des activités pertinentes inscrites dans des démarches pédagogiques adaptées à la situation, dans un cadre technique contraint et selon des modalités d'enseignement qu'ils ont élaborées librement. Les heures d'enseignement prévues à l'emploi du temps dans le cadre du tableau prévisionnel de service doivent êtres considérées comme faites.

Des collègues (surtout les personnels précaires mais pas uniquement) ne sont pas équipés correctement, ne disposent pas d'équipements fournis par l'employeur. De plus, la crise aggrave les inégalités sociales parmi les étudiants : accès au réseau internet, équipement en ordinateurs des familles, accès impossible à la BU, ...

Il ne peut pas y avoir de simple poursuite du travail dans les conditions d'exercice à distance. Dans cette situation inédite de crise sanitaire, parler de « continuité » est clairement un abus de langage : le confinement est de fait une « rupture » par rapport au fonctionnement habituel. Chacun de nous, contraint de travailler à distance, s’efforce de s’adapter, cherche à compenser autant qu’il le peut les effets de cette rupture, mais il est vain, et dans certains cas dangereux pour l’équilibre des agents, d’entretenir la fiction d’une simple « continuité ».

Nous demandons que le champ d’application des objectifs pédagogiques et administratifs imposés aux personnels en travail à distance soit mieux circonscrit, dans le cadre statutaire et légal, et qu’en particulier en soient exclues toutes les tâches qui ne font pas partie de l’activité habituelle de l’agent. Les modalités techniques qui sont appliquées dans les conditions d'urgence ne pourront pas compenser ces difficultés auxquelles les personnels doivent faire face dans l'exercice de leurs fonctions.

Nous demandons le droit à la déconnexion et le droit de disposer d’une vie privée clairement disjointe de son travail ; le travail à distance ne doit pas se transformer en une astreinte permanente, et ne doit pas entraîner la détérioration des conditions et des modalités de travail en raison de la multiplication des tâches et des sollicitations auxquelles il faudrait répondre dans la minute. Nous demandons qu’il soit mis fin à une surenchère d’exigences induite par la notion de « continuité », tant en direction des personnels que des étudiants, qui relève parfois d’un déni de réalité.