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Depuis plusieurs semaines, les annonces du Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche concernant la rentrée de septembre se succèdent mais ne se ressemblent pas, laissant planer des ambiguïtés délétères. Ainsi, après plusieurs revirements, le Ministère annonçait début juin que « les établissements doivent prévoir des enseignements en distanciel et/ou en présentiel dans une mesure et selon des modalités qu'il leur appartiendra de déterminer et qui leur permettront d'anticiper une éventuelle dégradation des conditions sanitaires ».
La Ministre reporte donc la responsabilité de préparer la rentrée sur les seuls établissements, qui en ignorent toujours les conditions. En plus de semer le doute parmi les personnels et les étudiants, ces atermoiements soulèvent des questions fondamentales sur l'avenir de l'Université.
La crise sanitaire a exigé des étudiants et des personnels un effort considérable. Tous se sont emparés — souvent de manière précipitée — des supports et outils de l'enseignement à distance. A période exceptionnelle, moyens exceptionnels… Cette expérimentation subie mais acceptée du fait du contexte, a permis de mieux cerner les limites du distanciel. Afin de couper court à toute ambiguïté, nous nous positionnons en opposition à toute velléité de substituer à un enseignement en présentiel, un « enseignement » à distance (E@D).
Rappelons tout d'abord que l'enseignement suppose un échange direct, une interaction physique et sensible. C'est à partir de cet échange que se construisent et s'enrichissent les savoirs et compétences. Le distanciel peut accompagner parfois l'enseignement en présentiel. Mais il ne peut s'y substituer, sous peine de dégrader irrémédiablement la qualité de nos enseignements.
Soulignons ensuite que le distanciel, qui doit obligatoirement reposer sur le volontariat aussi bien des enseignants que des étudiants, creuse les inégalités. Ceux qui ne bénéficient pas de bonnes conditions matérielles (accès à un ordinateur, à un endroit calme pour travailler, à une bonne connexion internet), ou dont la situation personnelle ne leur permet pas de travailler sereinement chez eux, sont doublement pénalisés.
Enfin, l'E@D va dans le sens d'une société dont nous ne voulons pas. Un campus, un amphithéâtre, sont et doivent rester des lieux de construction et de transmission d'un savoir, mais aussi d'échange, de diversité, de débat. L'hybridation des enseignements, la banalisation des réunions à distance, ne peuvent que contribuer à l'isolement des individus, alors que le contexte pandémique nous a démontré combien la solidarité et la mise en présence sont vitaux. D'autre part, l'E@D nous assujettit à des technologies numériques, grandes consommatrices d'énergie électrique et de métaux rares, pour la plupart délivrées par des sociétés privées avides de données personnelles monnayables sur le marché mondial du « Big Data ».
La crise sanitaire, qui implique la solidarité de tous et l'engagement de chacun, ne peut nous faire oublier ni les besoins criants d'une Université mise à la diète depuis des années, ni les menaces contenues dans la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) annoncée en début d'année et dont on nous informe qu'elle sera discutée en Conseil des ministres le 8 juillet prochain.
Il est vrai que les politiques d'austérité menées depuis des années dans l'ESR ont conduit à des amphis surchargés qui ne facilitent pas le respect de la distanciation physique ! Mais ne nous leurrons pas, la mise en place du distanciel est pensée comme une réponse à des impératifs budgétaires bien plus que sanitaires. Car l'E@D semble à première vue très économique : un seul enseignant peut faire cours à des milliers d'étudiants et une fois le cours ou le TD « on-line » créé, il peut être répété à l'identique l'année d'après, sans coût supplémentaire. Les partiels à distance ne demandent pas de surveillants et les corrections automatiques proposées permettent une attribution et une transmission instantanées des notes. Autant de postes de personnels qui pourraient devenir superflus… au prix de la qualité de l'enseignement. Car construire un enseignement à distance de qualité coûte cher : il implique un plan de formation ambitieux des enseignants, des équipes techniques bien plus étoffées, du matériel adapté tant en quantité qu’en qualité, et un lourd travail des équipes pédagogiques pour élaborer une formation pertinente. Il implique d'être pensé en plus des moyens traditionnels d'enseignement. Il implique enfin d'y préparer des étudiants qui devront plus que jamais faire preuve d'autonomie et d'esprit d'initiative.
On peut douter de cet investissement, devant les priorités d'un gouvernement qui autorise la réouverture de certains lieux commerciaux ou touristiques avant de donner les moyens aux hôpitaux d'accueillir dignement les malades, qui pour soutenir la reprise de l'activité, exige une réouverture des écoles sans leur permettre d'accueillir correctement les élèves. Un gouvernement qui ignore sciemment la situation d'une Université désertée, oubliée dans son confinement, tandis que la vie de la Cité peut reprendre.
La crise sanitaire a mis en lumière le besoin d'un service public de l'ESR de qualité, d'une recherche pensée sur le long terme et libérée des directives des appels à projet, d'une recherche et d'un enseignement publics qui ne soient pas assujettis aux stratégies des grandes entreprises. Alors que ministère prépare la relance du projet délétère de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), projet largement contesté en début de l’année 2020, nous devons tous nous déconfiner pour bloquer les politiques de destruction de l’ESR qui s’accentuent à la faveur de la pandémie, selon une stratégie du choc bien connue.
Non seulement le projet du gouvernement ne répond à aucun des enjeux fondamentaux — faute de moyens suffisants — mais il accentuerait les défauts du système actuel, en renforçant la précarité des personnels, tout autant que le sous-financement des unités et des établissements. La recherche et l’enseignement supérieur sont malades de l’austérité, du management néolibéral, de l’idéologie du tout numérique qui promeut toujours plus de compétition avec comme corollaire toujours plus de bureaucratie.
Aussi, conscients à la fois des enjeux de cette loi néfaste pour l’ESR, et d’une rentrée dont on ne perçoit pas encore les contours, nous proposons de nous réunir en assemblée générale, en plein air, le 24 juin à 18 h entre la maison de l’université et le bâtiment droit-lettres, afin d’échanger sur tous ces sujets.