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Interview (presque) imaginaire d'Alain Bonnin
lundi 19 septembre 2016
A la manière d'un hebdomadaire satirique désormais centenaire, nous vous proposons une interview (presque) imaginaire d'Alain Bonnin, président de l'université de Bourgogne, au début du mois de juillet.
SNESUP-FSU (SF):Monsieur le Président, c'est un peu tendu à l'université, là, non ?
Alain Bonnin (AB):Oui, Je suis inquiet: la non-compensation du
GVT et la hausse du point d’indice dès juillet nous mettent mécaniquement dans le rouge.
SF:En fait, nous voulions parler des rassemblements et des revendications des personnels.
AB:Ah oui, bien sûr. J’ai la chance d’avoir une communauté qui me fait confiance quand je lui
explique la situation.
SF:Ce n'est pas vraiment ce qu'ils disent. Ils critiquent vos choix de non-renouvellement
de CDD, de gels de postes et de suppression d'heures de formation.
AB:Cela me peine profondément: un président ne fait pas ce travail pour geler des postes.
SF:Alors pourquoi le faîtes-vous ?
AB:Nous n'avons pas le choix, c'est un problème national, alors c'est ça ou le déficit.
SF:Et alors ? Ne serait-ce pas une façon de mettre l'Etat devant ses responsabilités ?
AB:Sûrement, mais ce n'est pas comme ça que ça marche.
SF:Comment ça ?
AB:L'objectif du gouvernement est de libéraliser l'enseignement supérieur et la recherche,
en transformant les universités en entreprises. C'était l'objectif des précédents gouvernements
aussi. D'ailleurs si les ministres changent, leurs cabinets qui écrivent les textes ne changent
pas. Vous avez vu une différence entre Pécresse et Fioraso ? et Mandon ?
SF:Une différence ? Une continuité, assurément !
AB:Eh oui, d'ailleurs les lois de Fioraso ont été justement nommées LRU 2, en référence
à la LRU de Pécresse. Bref, c'est l'objectif du gouvernement. Si vous connaissez un peu
le nouveau management,
vous savez qu'il consiste notamment à utiliser des mots contraires à ce qu'on fait.
Donc on a parlé d'autonomie des universités mais sans leur en donner les moyens.
Et pour moi, en tant que président d'université, c'est super !
SF:Super ?
AB:Oui, car j'ai un argument massue pour aller dans le sens du gouvernement tout
en arguant que je n'ai pas d'autre choix.
SF:Encore une fois, vous pourriez faire autrement et vous associer à d'autres
présidents d'universités pour peser. Regardez ces 24 présidents
qui ont fait paraître une tribune.
AB:Mais je ne veux pas faire autrement ! J'ai bien observé comment a fait Sophie,
la présidente précédente.
SF:C'est-à-dire ?
AB:Eh bien, elle a joué la bonne élève, elle a même été la première à demander
les Responsabilités et Compétences Elargies pour l'université, suivant
les indications de Pécresse à l'époque. Et grâce à ça, le ministère a
vu en elle une personne loyale partageant les idées libérales modernes.
Résultat, elle a été nommée à des postes nationaux (CNOUS, Campus France) et
a présidé le comité de la STRANES. Bon, je ne sais pas ce qui s'est passé
ensuite, elle se retrouve rectrice à Strasbourg. Mais bon y'a pire.
SF:Et vous voulez suivre son exemple, comment ?
AB:C'est simple ! Le gouvernement incite à ce que les universités demandent
la dévolution du patrimoine. Message reçu 5/5 ! Et donc
l'un de mes objectifs pour mon second mandat de président est de
mettre en place la dévolution du patrimoine. J’ai, par courrier au MENESR, manifesté notre
intérêt pour la seconde vague de dévolution annoncée par Thierry Mandon.
SF:Mais il y a des conditions...
AB:Oui, il nous faut passer le cap de l’audit mené par
l’Igaenr et l’IGF et obtenir l’accord du CA. Pour le CA, pas de problème, ils font
tout ce que je leur dis ! (rire)
Mais pour l'audit, il faut que le budget paraisse solide. Donc je dégage
tout ce que je peux !
SF:Y compris les personnels, donc.
AB:Tout !
SF:Mais d'autres présidents d'université font d'autres choix. Regardez
Anne Fraisse à Montpellier 3: elle a menacé de fermer l'antenne de Béziers
et cela a payé.
AB:Peut-être, mais je peux vous garantir que votre Anne Fraisse ne
sera pas nommée à un poste national prestigieux !