La logique présidant à la « politique de site » est la même à Dijon qu’à Strasbourg, Marseille ou Paris: l’enseignement supérieur est un marché international dans lequel il faut être visible pour exister. D’où l’importance des classements internationaux et la nécessité d’attirer les « meilleurs » (chercheurs et étudiants). Rappelons les trois caractéristiques visées pour l’université fédérale Bourgogne-Franche-Comté (la future ex-COMUE):

«
  • être un établissement « à activité de recherche intense » avec une spécialisation dans quelques champs disciplinaires
  • « converger, sur le plan organisationnel et en matière de gouvernance, vers le modèle de Cambridge » (sans chercher à soutenir la comparaison en termes de réputation et au niveau des moyens)
  • « être propulsé sur la scène internationale » dans le temps de la période probatoire du projet I-SITE.
»
Lettre du 21 juin 2019 de la Ministre de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, et du Secrétaire Général pour l'Investissement à l'Administrateur provisoire de la COMUE UBFC

Les priorités sont ainsi clairement établies: l’Université n’est plus un lieu d’élaboration, de diffusion et de préservation des savoirs au service de la société dans son ensemble, mais une concurrente dans la compétition internationale pour l‘obtention de parts de marché. Nous ne souhaitons pas de ce modèle, qui marginalise les savoirs jugés non rentables, transforme les étudiants en acheteurs de diplômes, et fragilise le statut des personnels… tout cela pour copier les grandes universités américaines ou britanniques payantes et fréquentées par une minorité privilégiée d’étudiants. Ce modèle, c’est celui de l’ISITE-BFC, que les présidents d’établissements et la grande majorité des directeurs de laboratoire présentent comme la seule voie possible. Leur raisonnement semble limpide: puisqu’il n’y a plus d’argent en dehors des Programmes d’investissements d’avenirs (ISITE, IDEX etc.) alors il faut jouer le jeu, faute de quoi nous disparaîtrions du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le PIA est l’arme financière du gouvernement pour obliger les universités à se réformer, afin de créer une dizaine de « grandes universités de recherche », des universités gigantesques dont la direction échappe aux personnels et où la collégialité, fondement de la démocratie universitaire, ne serait bientôt plus qu’un souvenir. Il s’agit d’appliquer au monde de l’enseignement supérieur et de la recherche le mode de gestion des entreprises (comme ce terme de « gouvernance » présent dans toutes les communications), de réduire les libertés académiques, de renforcer le pilotage de la recherche et de réduire la formation universitaire au seul objectif d’employabilité. La communauté universitaire est déjà désorganisée par une suite de « réformes » qui, à peine lancées, se reconfigurent au gré des toquades politico-économiques et de leurs échecs. Les résultats sont visibles par tous: la communauté scientifique perd un temps et une énergie irrattrapables dans tous ces dossiers qu’elle doit monter, démonter, remonter dans l’urgence, et re-soumettre chaque fois que le jury « international » renvoie la copie parce que les projets était trop « ouverts » sur l’ensemble de la communauté scientifique du site, ou pas suffisamment intégrateurs, ou pas assez fléchés sur quelques priorités, ou trop démocratiques car laissant encore quelques conseils élus, ou contenant trop d’élus...

L’objectif est de faire advenir une université néolibérale en cassant les statuts (toujours trop « rigides ») pour imposer des mobilités, mieux soumettre les personnels (jamais assez flexibles et corvéables) et aliéner les étudiants (aux impératifs de l’employabilité et à la nécessité de payer leurs études).

Concentrer la recherche sur quelques thématiques choisies appauvrit le paysage scientifique en réduisant la fertilité de la recherche due au lien étroit entre les étudiants et les unités de recherche sur tout le territoire. Cela va à l'encontre de la diversification des lieux de production de la recherche, pourtant nécessaire. La recherche repose sur un équilibre entre plusieurs profils de personnels, qu’il convient de sécuriser. Le lien enseignement-recherche ne se limite pas aux seuls deuxième et troisième cycles. La diversité est un atout pour créer et imaginer.

En période de disette budgétaire, alors que les crédits récurrents des laboratoires se réduisent comme peau de chagrin et que plusieurs formations ont purement et simplement été supprimées, que de nombreux postes sont gelés, il est indéniable que les financements associés à l'ISITE-BFC font figure d'aubaine. Rappelons tout de même:

  1. que ces financements ne sont pas pérennes ;
  2. que ce sont des co-financements, ce qui implique que les établissements membres de la COMUE redirigent une part importante de leurs fonds vers les priorités de l'ISITE ;
  3. qu'ils sont attribués à travers des appels à projet, ce qui revient à demander aux équipes de travailler... pour demander les moyens de pouvoir travailler ;
  4. qu'ils sont conditionnés à un certain nombre de mesures relatives au fonctionnement de la COMUE qui s'avèrent à la fois coûteuses (par exemple l’harmonisation des systèmes d’information) et contraignantes (moins de démocratie).

La carotte de l’ISITE n’est-elle pas en train de nous mener dans le mur ? Souhaitons-nous réellement passer notre temps à répondre à des appels d’offre et à travailler avec en permanence un œil sur des classements internationaux ineptes ? Sommes-nous prêts à sacrifier la collégialité universitaire, notre statut ainsi que le sens de nos métiers pour quelques millions d’euros ?

Nous nous engageons à:

  • organiser un débat suivi d’un référendum de tous les personnels pour décider si l’uB doit rester dans la COMUE (ou tout autre établissement expérimental) et/ou dans l’ISITE.

Listes soutenues par SNESUP-FSU, SNCS-FSU, FERCSUP-CGT, SNUIPP-FSU, SNES-FSU
SNESUP-FSU SNCS-FSU FERC-Sup CGT SNUIPP-FSU SNES-FSU