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Les réformes menées tambour battant depuis le début des années 2000 dans le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) ont profondément transformé les conditions d’élaboration et de diffusion des savoirs. Sur le plan des conditions de travail, elles ont pour principales conséquences la mise en concurrence généralisée des équipes de recherches et des chercheurs entre eux, ainsi qu’une perte de sens liée à l’énergie et au temps toujours croissants consacrés à la recherche de financements.
Autre facteur de perte de sens, il faut maintenant composer avec les nombreux desiderata des financeurs: travailler sur des thématiques en lien avec les intérêts économiques et les « enjeux sociétaux » ; démontrer « l’impact », le caractère « innovant » et « l’excellence » des recherches proposées en réponse aux appels à projets ; « protéger » et « valoriser » les résultats obtenus ; planifier son travail au mois près, communiquer sur les réseaux sociaux… Ces injonctions visent avant tout à s’assurer que la recherche est à la fois rentable et visible. Elles traduisent la volonté des élites politiques et économiques de faire rentrer la connaissance, et donc l’ESR, dans l’économie de marché. De grands groupes industriels sont donc invités à financer des chaires universitaires, pendant que des start ups s’implantent sur les campus. Parallèlement, on assiste à la marginalisation de disciplines entières, principalement les sciences humaines et sociales (SHS), mais aussi certaines langues, la littérature, etc. En gros, tout ce qui n’est pas immédiatement utile au marché.
A rebours de cette conception utilitariste et mercantile des finalités de nos métiers, la FSU et la CGT défendent l’idée que les savoirs issus de la recherche sont pluriels: ils ne sont pas réductibles à de simples moyens de générer de l’activité économique et des profits, et doivent pouvoir être mobilisés de différentes manières et en vue de différentes finalités. A rebours du dogme du nécessaire rapprochement avec les entreprises, nous réaffirmons que le secteur de l’ESR doit faire partie des services publics — afin justement de garantir cette pluralité des savoirs.
Les pouvoirs publics et économiques en appellent toujours plus à la recherche et aux chercheurs pour résoudre les multiples crises qui assaillent notre monde, qu’elles soient sociales ou écologiques. Cependant, l’ancienne confiance naïve dans la science s’est fissurée et les chercheurs eux-mêmes s’interrogent sur leur rôle social, sur le sens de leur mission et les finalités de leurs projets. L’avenir autrefois perçu avec confiance semble à présent s’obscurcir, ouvrant de multiples débats sur la place des sciences dans nos sociétés.
Face aux menaces à court terme qui pèsent désormais sur l’humanité, beaucoup d’entre nous ressentent la nécessité de partager et utiliser les savoirs pour tenter de modifier la trajectoire actuelle, que tous les indicateurs annoncent désastreuse. Mais beaucoup se sentent également impuissants face à la complexité de phénomènes et d’enjeux qui dépassent très largement chacune de nos disciplines.
Car comment être à la hauteur de ces grands enjeux, notamment environnementaux, si celles et ceux qui sont chargé·es de comprendre et penser le monde sont sans cesse absorbé·es par le millefeuille administratif engendré par la bureaucratie managériale, par des appels à projets et des tâches inutiles ? Comment être à la hauteur de ces enjeux si nos pratiques professionnelles quotidiennes — qu’il s’agisse des transports aériens, des technologies de l’information, ou simplement de nos modes d’alimentation sur le campus — nous en éloignent sans cesse ? Surtout, comment être à la hauteur de ces enjeux si nous ne nous libérons pas des illusions de la technologie salvatrice (notamment en matière de numérique) et des méga-universités compétitives sur la scène internationale ?
Face aux urgences du présent, changer de trajectoire (et donc de politique) à toutes les échelles relève donc d’une impérative nécessité.
Au niveau local, la multiplication des guichets fonctionnant par appels à projets (ANR, investissements d’avenir, ERC…), couplée à l’assèchement des crédits récurrents, représente le plus sérieux obstacle à la mise en place d’une autre politique d’établissement — une politique qui permettrait justement d’amorcer un changement de trajectoire afin de répondre aux enjeux sociaux et environnementaux. La menace de la perte de l’ISITE-UBFC est ainsi agitée par l’actuel président de l’uB et par la grande majorité des directeurs d’unités afin d’éviter tout débat sur les choix stratégiques en matière de recherche ou de formation.
A terme, ce chantage sera lourd de conséquences car si les financements de l’ISITE ne sont pas pérennes, les changements institutionnels et de statut des personnels qu’il aura justifiés, eux, le seront. Le projet d’université fédérale présenté au ministère afin de « sauver l’ISITE » comporte ainsi son lot de structures antidémocratiques (rôle accru des instances composées de membres cooptés: bureau, comité d’orientation stratégique, comité de pilotage, pôles thématiques…), de mesures autoritaires (mise à disposition des personnels) et de dispositifs dont le principal effet sera de détruire le statut de fonctionnaire (les « fellowships » déjà en place, et les « chaires d’excellence » à venir qui seront des CDD portés par la COMUE destinés à capter les financements liés aux PERD, IUF et ERC).
Au contraire, nous pensons que la collégialité et les libertés académiques, le statut de fonctionnaire pour les chercheur·es, les enseignant·es-chercheur·es, etc., sont des garanties collectives qui ne doivent pas être bradées contre quelques millions de financements destinés à une minorité.
Par ailleurs, sans nier le contexte difficile dans lequel nous évoluons, nous estimons qu’à partir du moment où le conseil d’administration vote une enveloppe et que la commission à la recherche la répartit, une marge de manœuvre existe et d’autres choix sont toujours possibles. Mieux qu’une simple chambre d’enregistrement de propositions élaborées par la présidence de l’université, elle pourrait être un lieu de réflexion et de débat vivant sur le fonctionnement des laboratoires, sur les thématiques à soutenir, et plus largement sur le sens de nos recherches.
Nous nous engageons à:
Listes soutenues par SNESUP-FSU, SNCS-FSU, FERCSUP-CGT, SNUIPP-FSU, SNES-FSU