Ma récente soumission des programmes d’enseignement de l’uB à l’HCRES a été l’occasion de constater que les composantes et départements de notre université ont des conceptions très diverses de ce qu’est une licence ou un master en 2023 : d’une organisation intégralement fondée sur des blocs de compétences et semestrialisée au point de faire disparaître les années d’études au maintien d’un système « classique » d’unités disciplinaires hiérarchisées, toutes les structures co-existent désormais sur nos campus. Le libéralisme de la présidence, résolue à tout accepter si la tutelle l’accepte, peut être interprété comme un sain respect de la liberté pédagogique. Mais on ne peut s’empêcher de s’interroger : au-delà de la question technique des maquettes ,que reste-t-il dans cette configuration de l’appartenance commune à un établissement, et a fortiori du caractère national de diplômes invraisemblablement hétérogènes ? Le « plus petit dénominateur commun » est-il une bonne façon de faire universitas, c’est-à-dire communauté ?

La pandémie qui a occupé une bonne part de la mandature qui s’achève aura été un prodigieux stimulant pour les enseignements à distance sur outils numériques. Nous ne contesterons pas l’intérêt circonstanciel de certains instruments, mais comment ne pas voir que le passage à distance et l’enregistrement des cours dissimulent mal, dans bien des cas, l’objectif unique de faire des économies et de pallier le manque cruel d’enseignantes et enseignants, plus particulièrement sur les sites délocalisés, sans compter le boulevard ouvert aux producteurs de logiciels pseudo-didactiques. Surtout, la déshumanisation de la relation pédagogique induite par le « distanciel » a atteint en 2020-2021 les limites du supportable, suscitant chez nombre de collègues, d’étudiantes et étudiants, un malaise profond, voire pire. Le cantonnement du « cours sans cours » aux situations d’extrême nécessité doit être vigoureusement réaffirmé et acté.

La nouvelle organisation de la première année de Santé avec bivalence obligée (PASS-LAS), telle qu’elle a été mise en place en 2020, s’est révélée un désastre. De très nombreux étudiants ont dû passer des examens dans des disciplines pour lesquelles ils n’avaient aucune appétence, avec à la clef un taux d’abandon souvent extrêmement élevé. L’université de Bourgogne a dénoncé cette situation ubuesque, génératrice d’impasses pédagogiques et de souffrances parfois très graves, dont le seul but est de permettre au gouvernement un affichage cynique et mensonger.

Dans l’arsenal de dispositions en cours d’application, nous nous inquiétons particulièrement de la généralisation de l’approche par compétences, avec la notion de blocs de connaissances et de compétences. Cette restructuration de l’agencement scientifique des savoirs a une finalité et une seule : en remplaçant la diplomation par la « certification », on entérine la soumission des formations universitaires au monde de l’entreprise, et la marchandisation de nos formations : un bloc de compétences est censé pouvoir donner lieu à une micro-certification valorisable sur le marché du travail. L’« employabilité » est à présent posée comme l’unique fin des études supérieures. Du reste, les évaluations HCERES des quinquennaux en cours énoncent clairement la volonté du ministère de juger principalement les formations à partir de leur taux d’insertion professionnelle. Non seulement la dimension émancipatrice des savoirs n’est pas prise en compte, mais elle risque d’être écartée comme une menace à la docilité des futurs salariés. Il y a aujourd’hui un risque réel de relégation des savoirs critiques au bénéfice de savoirs dits « utiles » : la perte de substance de nos disciplines est une menace imminente, que nous sommes résolu·es à contrer.

Nous l’avons prouvé en combattant autant qu’il a été possible la transformation des masters MEEF selon les pires orientations ministérielles, appuyée par une direction d’INSPE particulièrement servile. Quiconque nourrit encore quelque illusion sur la « rénovation pédagogique » à l’âge macronien doit regarder ce qu’est devenue la formation des futurs enseignants et enseignantes en Bourgogne, à savoir la négation systématique de la liberté intellectuelle et civique procurée par la maîtrise éclairée d’une discipline complexe. Au moment même où nous écrivons ces lignes, un nouveau ministre de l’Education Nationale a décidé d’une énième réforme. Elle a été présentée aux organisations syndicales par le ministère de l’Education Nationale qui n’a pas jugé utile d’inviter les représentants du ministère de l’ESR alors même que cette réforme annoncée va avoir des conséquences importantes en licence et en master : la première mesure de cette réforme est le déplacement des concours d’enseignement à la fin de la L3…

La transformation du DUT (diplôme en deux ans bénéficiant d’une réglementation propre) en BUT (Bachelor Universitaire de Technologie), régi par l’arrêté spécifique aux licences professionnelles, traduit bien aussi cette soumission aux demandes des entreprises en permettant d’adapter les programmes aux besoins d’un marché du travail divinisé. Au travers de ces transformations du paysage de la formation dans l’ESR, n’y a-t-il pas une volonté d’augmenter la part d’étudiantes et d’étudiants quittant l’Université au niveau L3 pour entrer dans monde du travail pour préserver le cycle 2 universitaire ?

Enfin, nous réaffirmons que la mise en place de Parcoursup s’est faite au mépris du bon sens et de la déontologie : comment qualifier autrement la décision de classer des dossiers dans les filières qui ne sont pas en tension, c’est-à-dire la grande majorité d’entre elles ? Parcoursup est l’outil délétère d’un renversement global des conditions d’accès aux études supérieures : au lieu de permettre aux étudiants de faire des choix conformes à leurs aspirations, ce sont désormais les établissements qui les classent selon des modalités contestables. Nous ne saurions nous y résigner.

Pour la plateforme Mon Master, mise en œuvre lors de la dernière rentrée universitaire, le bilan n’est pas plus glorieux. Surcharge de travail provoquée par une plateforme mal pensée : calendrier imposé par le ministère, pas de possibilité d’aller en deçà de la mention, bugs informatiques, etc. Si cette plateforme est un outil selon le ministère, il est en effet un outil idéologique au service de la fermeture des portes de l’université par la gestion des flux et du remplissage des formations en master.

Nous nous engageons à:

    • Défendre un enseignement supérieur de service public face à la marchandisation croissante de la formation ;
    • Favoriser en toutes circonstances les enseignements en présentiel (sans MOOC ni pseudo auto-formation), en respectant les spécificités disciplinaires ;
    • Défendre l’accès à l’Université dans les formations qui ne sont pas en tension, c’est-à-dire la grande majorité de nos licences ;
    • Garantir le droit d’accès en master à tout·e titulaire d’une licence ;
    • Maintenir des contenus disciplinaires solides et cohérents, en refusant toute « vente à la découpe » de nos disciplines ;
    • Défendre les formations à petits effectifs sans nous abriter derrière une logique comptable mortifère ;
    • Ne pas mettre en pratique la hausse des frais d’inscription pour les étudiant·es extra-communautaires.

Listes soutenues par SNESUP-FSU, FERCSUP-CGT, Sud-Education
SNESUP-FSU FERC-Sup CGT Sud-Education