Combien d'agents non titulaires assurent des tâches pérennes dans votre composante ?

La situation de l’emploi est dramatique dans le service public d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) : la multiplication des appels à projets et donc des contrats courts a aggravé la précarité dans nos établissements. La « précarité-transition » semble se transformer en une « précarité-horizon »1 en faisant disparaître pour les jeunes chercheuses et chercheurs la perspective d’emplois stables.

Nous constatons, toutes et tous, que la diminution des effectifs de fonctionnaires titulaires a asphyxié nos établissements. Le système d’enseignement supérieur et de recherche dépend désormais fondamentalement des précaires pour tenir.

A l’uB, selon les chiffres du dernier rapport social 2023, le pourcentage d’emplois non titulaires BIATSS est de 41.9 %, il est de 25,1 % pour les enseignant·es. Le jour du dépassement, date symbolique à partir de laquelle il n’y aurait plus de cours s’il n’y avait que des enseignant·es titulaires dispensant exactement leur service, est à l’uB le 29 janvier (contre le 31 janvier au niveau national).

L’« autonomie » des universités et la loi de « Transformation de la fonction publique »2 ont amené notamment la généralisation du recours aux contractuel·les à la carte, aux statuts définis localement sans harmonisation sur les obligations de service, sur la reconnaissance des diplômes, ou sur les salaires. A l’uB devenue UBE, c’est la « charte de gestion des agents contractuels » qui définit la rémunération des agents non titulaires. Le SNESUP-FSU a défendu et obtenu notamment lors de sa mise à jour la prise en compte du doctorat dans les indices de rémunération des enseignants.

Impact sur les non titulaires...

La précarité a des conséquences délétères sur les personnels qui la subissent et entraîne des contournements du droit :

  • des heures de vacation payées en dessous du SMIC. En effet, une heure de vacation équivalent TD est payée 43,50 euros brut et représente 4,2h de travail effectif ; ainsi, elle est payée à un taux horaire brut de 10,36 euros alors que le SMIC horaire est de 11,88 euros brut de l’heure ;
  • des contrats signés seulement une fois le travail commencé ;
  • des délais de paiement très élastiques : la rémunération après service fait, désormais possiblement mensualisable, est encore parfois reportée plusieurs mois après ;
  • des pressions pour assurer des tâches non rémunérées (surveillance, correction) ;
  • des CDD non renouvelés par l’établissement pour éviter la transformation en CDI au bout de 6 ans alors qu’il s’agit d’assurer des fonctions pérennes.

Si le CDI offre une situation moins précaire que des CDD, il reste moins protecteur que le statut national et reste source d’inégalités de traitement. Nos organisations syndicales revendiquent un plan massif de recrutement de titulaires sur statuts nationaux dans l’enseignement supérieur et la recherche. Rappelons que 40 % de tout l’emploi contractuel de la fonction publique est concentré dans l’ESR. Pour les enseignant·es-chercheur·es, la LPR a introduit les chaires de professeur·es junior (CPJ), dispositif inique en soi qui contourne totalement le statut de la fonction publique. Lors des trois premières campagnes, 82 % ont été pourvues, les écarts de recrutements entre les disciplines se sont creusés et les CPJ ont également creusé les inégalités entre les femmes et les hommes. La campagne d’emploi 2024 a été l’occasion de la quatrième vague de CPJ. Pour la quatrième année consécutive, l’attractivité de ces postes reste faible avec moins de cinq candidats par poste. En juillet 2024, seuls 28 % des postes publiés étaient pourvus lors du bilan du ministère. Les supports de CPJ doivent être utilisés pour le recrutement de titulaires.

... et sur tous les personnels

Le fonctionnement avec autant de personnels précaires et indignement rémunérés au regard des qualifications exigées permet aux établissements d’enseignement supérieur de faire baisser leur masse salariale, autrement dit de faire baisser le coût du travail. Cela constitue un frein aux revendications des personnels titulaires de mieux voir reconnus leur investissement et leurs qualifications par des améliorations salariales. En outre, les titulaires s’épuisent à chercher et former sans cesse des collègues précaires. Les conditions de travail de toutes et tous, titulaires et non titulaires, sont ainsi fortement dégradées.

La politique de recrutement dérogatoire, de glaciation des postes, ainsi que d’un financement essentiellement par projet, revient à exercer sur les personnels, titulaires et non titulaires, un chantage permanent et toujours croissant (à la casse du statut, au tarissement des financements, etc.), face auquel les unités et les personnels peuvent se sentir dans l’obligation de céder la mort dans l'âme, chacun pour soi, plutôt que de s'organiser collectivement. Mais cette tentation de céder pour survivre à court terme ne peut que déboucher rapidement sur des effets délétères.

Que nous soyons précaires ou titulaires, cette situation insupportable a déjà des conséquences catastrophiques sur nos conditions de travail, la bonne réalisation de nos missions de service public, et sur la réussite des étudiantes et des étudiants, confronté·es également à de nombreuses formes de précarité (logement, alimentation, incertitude quant à leur poursuite d’études, …).

Cela n’est plus possible ! Des moyens d’action existent encore.

Nous nous engageons à:

    • tout mettre en œuvre pour la titularisation par création des postes nécessaires sur des tâches pérennes ;
    • refuser la création de nouvelles CPJ ;
    • mettre en œuvre de façon systématique la mensualisation de la rémunération ;
    • appliquer pour l’ensemble des non titulaires le principe « à travail égal rémunération égale » (salaire, primes, durée de travail, etc.) ;
    • agir pour que les vacataires obtiennent l’égalité des droits sociaux (par exemple en cas de maladie).

Listes soutenues par SNESUP-FSU, FERCSUP-CGT, Sud-Education, Sud-Recherche
SNESUP-FSU FERC-Sup CGT Sud-Education Sud-Recherche


1 Charles Bosvieux-Onyekwelu (2023) Précarité générale. Témoignage d’un rescapé de l’Université, Textuel
2 Cette loi a élargi la dérogation au principe de recrutement d’un fonctionnaire sur un emploi permanent de catégories A, B ou C, en laissant aux employeurs publics la « liberté » de recourir à du personnel précaire ou titulaire, faisant de facto de la précarité la voie bientôt quasi unique de recrutement. La loi crée également un « contrat de projet » pour réaliser des missions spécifiques d’une durée minimale de 1 an et maximale de 6 ans. Il n’ouvre droit ni à un CDI ni à une titularisation et permet de se séparer de l’agent dès la mission terminée.